Détail d'un disque de la discothèque du M'O+

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Les mentions soulignées indiquent les inédits dans les banques de données du M'O au moment de la rédaction
Titre du CD J. S. Bach. L'Art de la fugue
Interprète(s) Régis Allard (FR)
Éditeur Hortus
Numéro d'édition 039 (2 CD's)
Site de l'éditeur http://www.editionshortus.com
Format audio DDD
Date d'enregistrement 27-29 VII, 1-4 VIII 2005
Minutage total 48:31 + 36:48
Date de réception au M'O 25/10/2006
Livret 36 pages (F, GB); photo(s) de l'instrument: 4, composition et registrations
Orgue(s) et/ou instrument(s) Paris (FR), Saint-Louis en l'Isle
Compositeur(s) Johann Sebastian Bach
Accord orgue(s)535 dans l'échelle de La Rasette razette
ProgrammeJohann Sebastian Bach: Die Kunst der Fuge BWV 1080
CD1
1. BWV 1080/1. Contrapunctus 1
2. BWV 1080/3. Contrapunctus 3
3. BWV 1080/2. Contrapunctus 2
4. BWV 1080/4. Contrapunctus 4
5. BWV 1080/5. Contrapunctus 5
6. BWV 1080/6. Contrapunctus 6, a 4, im Stile francese
7. BWV 1080/7. Contrapunctus 7, a 4, per Augmentationem et Diminutionem
8. BWV 1080/9. Contrapunctus 9, a 4, alla Duodecima
9. BWV 1080/8. Contrapunctus 8, a 3
10. BWV 1080/10. Contrapunctus 10, a 4, alla Decima
11. BWV 1080/11. Contrapunctus 11, a 4
CD2
1. BWV 1080/13,1. Contrapunctus 13, a 3 [rectus]
2. BWV 1080/13,2. Contrapunctus [13, a 3 inversus]
3. BWV 1080/12,1. Contrapunctus 12, a 4 [rectus]
4. BWV 1080/12,2. Contrapunctus [12, a 4 inversus]
5. BWV 1080/17. Canon alla duodecima in Contrapuncto alla Quinta
6. BWV 1080/15. Canon alla Ottava
7. BWV 1080/14. Canon per Augmentationem in contrario motu
8. BWV 1080/16. Canon alla Decima
9. BWV 1080/19. Fuga a 3 Soggetti [inachevée]
CommentaireSurprenant: la discothèque du M'O comprend à présent 17 versions complètes du BWV 1080. Pas une d'elles n'est enregistrée sur un instrument historique allemand, et seulement trois l'ont été dans le pays du compositeur. La palme revient à... la France, où ont été réalisées six de ces versions! Heureusement, elles n'ont pas toutes suivi l'exemple de Kei Koïto qui, choisissant le magnifique Dom Bédos de Bordeaux (CD Tempéraments 316016/17, voyez M'O 57/04) commettait un grave «ana-régionalisme» dont on ne pourra certes pas accuser Régis Allard: aux claviers de l'orgue dont Benjamin Alard est le titulaire (attention: confusion possible!), il joue l'orgue sans doute le plus «allemand central XVIIIe» de Paris... et donc de France.
Les questions posées par ce chef-d'œuvre mythique sont plus nombreuses que les réponses. Le problème du texte, et son dérivé, celui du nombre et de l'ordre des contrepoints, semble être résolu ici par une petite mention au dos du boîtier: «Diffusion jointe du fac-similé du manuscrit autographe et du disque par les éditions Fuzeau». Dommage que cet éditeur de fac-similés ne nous ait pas fait parvenir ce volume! M'en remettant au fac-similé complet (un coffret publié en RDA, par VEB Deutscher Verlag für Musik à Leipzig, 1979, contenant le manuscrit autographe, quelques annexes manuscrites, l'édition originale de 1752 et une étude par Hans Gunter Hoke), j'ai vite compris que l'Art de la Fugue de Régis Allard n'est pas celui du manuscrit autographe, qui ne comprend pas le quatrième contrepoint. L'interprète souligne à juste titre que l'auditeur est libre d'utiliser les ressources de la technologie pour «réaliser lui-même son propre classement dans son écoute». Encore aurait-on pu l'aider, en donnant, à défaut des numéros et/ou des titres des contrepoints dans l'édition originale, au moins les références universellement acceptées aujourd'hui, du catalogue de Schmieder? C'est pour pallier cette lacune qu'elles figurent dans la rubrique «Répertoire» ci-dessus.
Sur quelques aspects, je ne partage pas vraiment les options prises par Régis Allard, mais il faut bien reconnaître que ses choix sont cohérents, et que son Art de la Fugue fait plus que «tenir la route».
La discussion sur le choix de l'instrument idoine ne sera jamais close. À l'encontre de Gustav Leonhardt, qui défend le clavecin, je partage sans réserve le choix de ceux qui jouent ce chef-d'œuvre à l'orgue. Cependant, je ne vois nulle part dans cette partition qu'il soit nécessaire d'utiliser la pédale autrement que comme «troisième main», c'est-à-dire pour venir ponctuellement en aide aux seuls dix doigts, parfois fort embarrassés par la densité de l'écriture. Au contraire, dans sept contrepoints, Régis Allard utilise la pédale comme une partie indépendante, voire soliste. À partir du moment où les pieds jouent la basse sur une registration différente des trois autres voix, n'est-ce pas en effet lui conférer une telle valeur? En outre, l'utilisation du seize pieds à la pédale, quand on joue les mains en huit pieds, crée une distance artificielle entre les quatre voix de la polyphonie, qui est en quelque sorte «élargie», voire écartelée.
Le problème des registrations est également réel: disposant d'un grand et bel instrument, il est naturel d'en jouer en faisant appel à un grand nombre de couleurs. Sans préconiser le jansénisme, je serais plutôt d'avis que la richesse de l'instrument n'impose pas ce coloriage, et les plages qui me touchent le plus sont celles ou un seul jeu chante, et détaille sans artifice le chemin de chacune des voix. Ainsi, la plage 8 du CD1 est fort belle, sur la seule Flûte 8 du Hauptwerk, tout comme le Canon alla Ottava, sur la Flûte Allemande du Positif. Mais pourquoi pas un contrepoint sur le Bourdon, le Quintaton du Positif, l'Octave, peut-être même la Gambe du Hauptwerk, le Principal, le Bourdon du troisième clavier?
La mécanique de l'orgue Aubertin doit être fort agréable (en termes modernes, cela veut dire: légère et vivante), par opposition aux touchers résistants (devenus aujourd'hui même durs) que l'on trouve dans les orgues historiques d'Allemagne centrale. Cela induit chez l'interprète une propension à jouer plus vite, moins profond à Paris qu'en Saxe et en Thuringe. D'où, dans les contrepoints avec des valeurs pointées (3 et 6, joués sur le plein-jeu), des notes brèves fort courtes, alors qu'on aimerait les entendre jouées plus «vers le fond de la touche». La prise de son rend bien des timbres très colorés, qui se développent parfaitement dans une fort belle acoustique. Le montage est soigné, mais les «charnières» entre les diverses parties du contrepoint final posent problème: à la première (mesures 114/115), le choix de passer d'une registration forte à une registration moins puissante masque complètement l'entrée du second thème, que l'on ne découvre qu'à la neuvième note. S'il faut vraiment changer de clavier ou de registration à cet endroit, ne serait-ce pas plutôt en allant vers une registration plus forte? À la mesure 234, c'est un montage malheureux qui nous prive d'une queue de réverbération sous le départ de la dernière phrase écrite par Bach...
Comprenez-moi bien: ceci sont des détails qui peuvent ne pas même venir à l'esprit de l'auditeur et ne doivent pas vous priver d'apprécier cette fort belle version de l'Art de la Fugue que j'ai écoutée à plusieurs reprises, avec beaucoup de plaisir. La beauté de l'orgue, et les qualités du jeu de l'organiste, la vie qu'il confère à son interprétation, son sens du toucher et son souci de la belle articulation le placent tout en haut des dix-sept versions de la discothèque du M'O.
Voilà un Art de la Fugue à ne pas fuir, bien au contraire!
Date du commentaire19/01/2010
  
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