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Titre Obras de música para tecla, harpa y vihuela
Compositeur Antonio de Cabezón
Opus
Année de composition 1578
Éditeur(s) scientifique(s) Javier Artigas Pina, Gustavo Delgado Parra, Antonio Ezquerro Esteban, Luis Antonio González Marín, José Luis González Uriol & José Vicente González Valle
Éditeur Consejo Sup. de Investigaciones Cientificas
Numéro d'édition 3.004
Année de l'édition 2010
ISMN 979-0-801219-20-6
Site de l'éditeur http://ifc.dpz.es/
Nombre de pages Vol. 1, 199 pages; Vol. 2, 209 pages;
Vol. 3, 211 pages; Vol. 4, 264 pages
Date de réception au M'O 14/03/2012
CommentaireBien que la date de naissance du compositeur ne soit pas connue avec précision, on a célébré en 2010 le cinq-centième anniversaire de la naissance d'Antonio de Cabezón. Dans le domaine de l'édition, les organistes sont gâtés: deux importants éditions concurrentes leur sont offertes. Vous lirez par ailleurs (P_3777, P_3778, P_3779 et P_3780) la présentation de quatre volumes publiés par Bärenreiter. Sous la présente référence vous est commentée l'édition, en quatre volumes également, publiée par le Consejo Superior de Investigaciones Cientificas espagnol. Les buts et les moyens des deux éditions sont différents, mais comme elles traitent de la même matière, nous diviserons la matière globale comme suit:
Sous le présent P_0119, vous trouverez le commentaire relatif à l'édition espagnole. Nous discuterons l'ensemble de l'œuvre de Cabezón sous P_3777, et ferons le point des éditions modernes de ce répertoire sous P_3778. Il est donc important de lire ces deux textes comme une introduction éclairant le présent commentaire. Une synthèse comparative des deux éditions vous est présentée sous P_3780.

L'objectif de cette édition espagnole, publiée par l'Institutión «Fernando el Católico», préparée par une équipe constituée de six organistes et musicologues (voyez leurs noms dans le descriptif ci-dessus) est de fournir un texte moderne d'une des trois sources principales de la musique de Cabezón: Obras de Música para tecla, arpa y vihuela.
Au premier abord, on est frappé par le volume de ces quatre tomes, édités sur beau, lourd papier, et soigneusement brochés. Les 52 premières pages du volume I présentent l'introduction (bilingue: espagnol et anglais): avant-propos, critères d'édition, remarque brève sur les indications de mesure utilisées dans les Obras de Música et leur signification, projet d'ensemble de l'édition, traduction anglaise de la «déclaration de la tablature» (donnée en fac-similé dans l'introduction en espagnol) et notes critiques relatives au volume I. Les trois autres volumes sont tout naturellement précédés uniquement des notes critiques qui les concernent.
Les pièces suivent comme il se doit l'ordre de la source et leur titre, aussi bien dans la table des matières que dans le texte musical, est suivi de leur numéro d'ordre entre crochets. Arrivé au volume III, le lecteur est cependant surpris de découvrir que la pièce [87] est suivie par le numéro [118] et, dans la partition, il remarque qu'on saute du folio 104 au folio 185 de la tablature. J'ai en vain cherché dans ce volume une explication de cette anomalie, mais ai heureusement trouvé les pièces manquantes dans le volume IV, qui présente le texte musical cette fois non plus sur des systèmes de deux portées, jouables à l'orgue, mais bien en partition (une portée par voix). Si, pour les pièces [70] à [87], à quatre voix, on avait pu lire le texte «pour orgue» au volume III, les pièces suivantes, à cinq et à six voix (donc sensiblement plus difficiles à lire en partition) ne sont données que dans cette écriture peu pratique pour un claviériste... Les éditeurs justifient la publication en partition par une citation de Hernando Cabezón disant que les ménestrels, qui ne lisent pas la tablature, y trouveront matière intéressante. Mais puisque le fils Cabezón donne le texte en tablature, c'est à mon avis priver les organiste de cette matière intéressante... ou alors les obliger à faire eux-mêmes le travail de la transcription. Je ne comprends pas pourquoi, si l'on a donné deux versions des pièces à quatre voix, on n'en a pas fait autant pour celles à cinq et six voix.
L'édition est réalisée au départ d'un seul des douze exemplaires connus énumérés dans le commentaire P_3777, ainsi que l'exemplaire (jusqu'ici inconnu) de Mexico. On peut se demander pourquoi les auteurs de ce travail qui se veut scientifique ont fait l'économie du collationnement de toutes les éditions connues. Ce travail, commencé pour ce qui concerne Francisco Corre de Arauxo a conduit à des résultats très prometteurs, dégageant entre autres un bon nombre de corrections manuscrites présentes dans tous les exemplaires, et fort probablement à prendre en compte comme des «corrections d'auteurs apportées en l'atelier même de l'imprimeur». L'appareil critique fait état de plusieurs variantes entre les deux sources consultées, et l'on se pose donc la question de savoir ce qu'il en est des dix autres exemplaires de la tablature. Pour ce qui est des sources secondaires (diverses copies manuscrites), on suit aisément les auteurs quand ils déclarent ne pas les avoir consultées, car leur objectif est de transcrire l'édition originale. On verra cependant dans la présentation de l'édition Bärenreiter que dans certains cas, les variantes d'un manuscrit ou l'autre ne manquent pas d'intérêt...
Dommage que l'aréopage qui présida à la préparation de ces volumes, et a précisé des normes musicologiques appréciables, sérieuses, respectables et respectées, n'ait pas pris en considération les musiciens qui utiliseront leur texte. Car, si la gravure en est bien claire, voire excessivement aérée, un minimum d'attention en aurait rendu le jeu tellement plus aisé si l'on avait, à très peu de frais, pensé à éviter un nombre incroyable de mauvaises tournes. On a tout simplement enchaîné les systèmes de généralement huit mesures! Ce qui donne une tourne dans les 82 mesures de la première pièce qui aurait aisément tenu sur deux pages (encore fallait-il commencer sur une page paire...); la pièce [4] compte deux tournes, dont la première après une ligne! Et dans la suivante, on tourne une seconde fois... pour une seule ligne. Même remarque pour [7] que pour [4]. [8], [9] et [10] occupent deux pages, avec une tourne, car elles commencent sur une page de droite, et il en est de même pour les deux versets suivants de cette dernière. Cette énumération suffira sans doute à convaincre.
Un bon texte est une partition gravée largement (c'est le cas, voire même, nous l'avons dit, à l'excès), dégagée de toute mention inutile (ce ne l'est pas). La mention de la pagination de l'édition originale est une donnée intéressante, et je partage l'opinion qu'il est important également d'indiquer les sauts de portées. Mais fallait-il écrire chaque fois «pauta»? Ce mot revient plusieurs fois par page, lancinant comme le bruit des roues d'un train sur les rails. Un simple chiffre entre crochets aurait suffi. Par ailleurs, chaque pièce commence, au-dessus de la première portée à gauche par la mention du folio et de la portée, et à droite par celle du premier et du dernier folio où on la trouve. Cette dernière mention est inutile, répétitive, redondante et superfétatoire...
On appréciera la politique éditorielle, qui vise à limiter les interventions et à rester le plus fidèle possible au texte original. Ce qui explique, entre autres, les croches et doubles croches isolées chacune de leurs voisines, pour éviter de créer par la liaison des hastes d'arbitraires groupements de notes. Les altérations sont répétées devant chaque note, comme dans la tablature (donc parfois à plusieurs reprises dans une même mesure), les altérations d'éditeurs sont heureusement peu nombreuses. Pour ce qui concerne les valeurs de notes, on a choisi de transcrire une noire liée à une croche (représentée dans la tablature par une virgule sous la ligne de la voix) par une noire pointée. Ceci ne me semble pas en parfait accord avec la fidélité de notation des hastes des croches et doubles croches et crée parfois une espèce de déséquilibre visuel peu élégant (par exemple: [28/b], mesure 1).
Le partage des voix entre les mains n'est pas important aux yeux des éditeurs, c'est triste. Prenons deux exemples: pièce [11], mesure 60, la voix médiane passe de la portée supérieure à la portée inférieure (avec indication de ce passage et de son retour par une ligne en pointillés). Bien, mais pourquoi ne pas être passé à cette portée inférieure au moment où la main droite ne peut plus jouer la voix médiane, soit trois noires plus tôt? Et le sol qui suit, 61, écrit sur la portée supérieure, n'est cependant pas jouable par la main droite. Il aurait mieux valu le laisser sur la portée inférieure, de même que toute cette mesure et la suivante, plus aisée à la main gauche qu'à la droite. D'autre part, l'accord final de la pièce [28/a] est étrangement orthographié: fa grave/la cinquième ligne/do du milieu à la main gauche (injouable). Il aurait été si simple d'écrire ce do sur la portée supérieure, sous le fa du soprano du premier interligne! Dans les gloses de faux-bourdons, le partage des voix (deux par portée) ne se justifie vraiment pas quand la glose est à la basse (ou au soprano) et que les trois autres voix forment des accords évidemment joués par une seule main.
Ici ou là, une petite imperfection a échappé à la relecture: pièce [6], mesure 51: la main gauche aurait été meilleure en clef de fa sur la portée inférieure. Manque de consistance dans l'indication des signes de mesure et de l'armure des versets: pièces [15] et [16], elles devraient être entre crochets pour les versets après le premier, car non répétées dans la tablature (comme on l'a fait à juste titre dans les pièces [18] à [22]).
Le plan général de l'ensemble annonce deux volumes supplémentaires: le volume 5 donnera le fac-similé de la source. Est-ce bien utile, alors qu'on peut sans frais le télécharger sur internet: http://www.bne.es/es/Micrositios/Exposiciones/BNE300/Exposicion/Seccion1/sub2/Obra70.html?origen=galeria. Pour ma part, j'ai imprimé le tout recto-verso, et l'ai assemblé en trois volumes avec une reliure à anneaux métalliques: très chic, éminemment pratique, et fort bon marché! Le sixième volume comprendra diverses études. Espérons que l'une d'elles se consacrera à la compilation nécessaire de tous les exemplaires connus de l'édition originale.

En conclusion, cette édition est musicologiquement fort sérieuse et le texte semble exempt de grosses fautes. Le commentaire est très éclairant et la politique éditorielle, excellente. Ce n'est qu'au plan de la mise en pages et de l'attention portée aux interprètes que l'ouvrage mériterait d'être amélioré. À en croire le site de l'Institucion «Fernando el Catolico», le prix de l'ensemble est 120 euros, ce qui en fait certainement un maître-achat!

Date du commentaire14/03/2013
  
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