Détail d'un disque de la discothèque du M'O+
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CD_4298 () |
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Titre du CD | Lachrimæ | |
Interprète(s) | Benoît Mernier (BE) | |
Éditeur | Maredsous | |
Numéro d'édition | 002 | |
Site de l'éditeur | http://www.maredsous.be | |
Format audio | [DDD] | |
Date d'enregistrement | 30 VI - 3 VII 2009 | |
Minutage total | 69:31 | |
Date de réception au M'O | 25/04/2010 | |
Livret | 24 pages + 4 pages de Digipack (F, NL, GB); photo(s) de l'instrument: 2, composition, pas de registrations | |
Orgue(s) et/ou instrument(s) | Maredsous, BE, Église abbatiale | |
Compositeur(s) | Maurice Duruflé, Jehan Alain, Louis Vierne, César Franck, Johann Sebastian Bach, Benoît Mernier, Joseph Jongen | |
Descriptif orgue(s) | Maredsous, BE, Église abbatiale Westenfelder (LU) 2009. III/45 + 5 extensions | |
Accord orgue(s) | 444 dans l'échelle de La Rasette | |
Programme | 1. Maurice Duruflé: Suite op. 5: Prélude 2. Jehan Alain: Suite AWV 86: Introduction et Variations 3. Louis Vierne: Impromptu op. 54/2 4. César Franck: Choral II 5. Johann Sebastian Bach: Erbarm' dich mein o Herre Gott BWV 721 6. Benoît Mernier: Choral «Le don des larmes» 7. Joseph Jongen: Chant de Mai op. 53/1 8. Joseph Jongen: Toccata op. 104 | |
Commentaire | CD_4298
Maredsous, BE, Église abbatiale Westenfelder (LU) 2009. III/45 + 5 extensions 1. Maurice Duruflé: Suite op. 5: Prélude 2. Jehan Alain: Suite AWV 86: Introduction et Variations 3. Louis Vierne: Impromptu op. 54/2 4. César Franck: Choral II 5. Johann Sebastian Bach: Erbarm' dich mein o Herre Gott BWV 721 6. Benoît Mernier: Choral «Le don des larmes» 7. Joseph Jongen: Chant de Mai op. 53/1 8. Joseph Jongen: Toccata op. 104 Il arrive très rarement que le rédacteur du M'O+ se trouve embarrassé d'avoir à commenter un enregistrement. Dans les cas, trop rares, où celui-ci mérite un coup de cœur ou un coup de chapeau, c'est évidemment un plaisir d'exprimer sa joie d'avoir écouté une belle réalisation. Dans les cas, trop fréquents, où il ne mérite guère d'éloges, on peut trouver du plaisir dans l'humour qui, par les subtilités de l'écriture, peut tenter dans le commentaire de compenser la déception. Mais, pour la première fois, voici un CD que j'aimerais qualifier d'un bon coup de quelque chose, auquel je n'ose apposer le sceau de la distinction, par crainte d'être accusé de népotisme! Certes, ce n'est pas la première fois qu'un de mes anciens étudiants enregistre un récital. Et j'ai déjà présenté dans le M'O plusieurs productions réalisées sur des orgues dont j'ai dirigé la restauration ou la construction. Mais dans le cas présent, le comble est atteint: Benoît Mernier, le premier diplômé de ma classe au Conservatoire royal de Liège, il y a presque un quart de siècle, avant d'être pendant de nombreuses années mon excellent assistant, puis mon non moins apprécié collègue à la tête de la classe d'orgue de l'IMEP à Namur, Benoît donc enregistre tout un récital (y compris sa dernière création pour orgue) sur l'orgue de l'abbaye de Maredsous, dont j'ai inspiré le projet et dirigé la reconstruction par Georg Westenfelder. Mais ce n'est pas tout: les notices du programme sont signées par Vincent Genvrin, qui fut aussi mon étudiant puis mon assistant à Liège. Elles sont traduites en néerlandais par Annelies Foquaert, dont j'ai été le mentor lors de la présentation de son travail de fin d'études à l'Institut Orpheus de Gand. Oserais-je en outre signaler que les registrants et le directeur artistique de ce CD ont également travaillé avec moi? (voilà peut-être de quoi clouer le bec aux quelques frustrés médisants qui ont salué mon départ à la retraite en déclarant qu'enfin la classe d'orgue de Bruxelles allait renaître...) Pour autant qu'il soit possible, dans ces conditions, d'être objectif, passons en revue les divers éléments composant ce CD en commençant par l'orgue. Les lecteurs intéressés par le détail se reporteront à la synthèse effectuée par Luc De Vos de deux documents rédigés par le signataire de ces lignes, dans la revue de l'Union Wallonne des Organistes, L'Organiste, n° 163 (juillet 2009), pp. 103-118. Le rapport préliminaire du 4 mai 2004 résume la situation en ces termes: «Considérant à la fois l'importance du lieu et de la liturgie quotidienne qui s'y déroule, ainsi que l'état actuel de l'instrument, il est évident que cette réflexion s'impose et devrait, idéalement être suivie de travaux visant à rendre l'orgue plus digne de l'abbaye et de sa tradition. L'orgue a en effet subi les attaques du temps, auxquelles on a remédié partiellement par la construction progressive de nouveaux sommiers. Il a également été la victime d'un accident malencontreux, qui a rompu la liaison entre la console du chœur (et son petit instrument, qui ne fait pas l'objet du présent travail, mais devrait sans doute faire l'objet d'une investigation semblable) et celle de la tribune. Enfin, on devrait à l'occasion, envisager dans une certaine mesure de donner à l'orgue de Maredsous une plus grande homogénéité stylistique (tout en respectant l'esthétique dans laquelle il fut conçu dans son dernier état), lui adjoindre les derniers perfectionnements de la technologie dans le domaine de la transmission et de la gestion des registrations, et surtout en redisposer les différents départements, afin de lui donner une présence accrue dans la grande nef de l'abbaye.» En termes de chantiers d'orgues, l'affaire fut rondement menée: l'offre de janvier 2006 du facteur d'orgues luxembourgeois, Georg Westenfelder fut vite retenue et l'inauguration eut lieu dans les tout premiers jours de mai 2009. Le CD permet d'en juger: avec ce nouvel état d'un orgue dont l'histoire fut pour le moins agitée, on est arrivé à l'un des meilleurs grands instruments de Wallonie (élargir à la Communauté française de Belgique se fait aisément, passer au royaume tout entier est une autre histoire...). Le programme, reflet du récital donné le 3 mai 2009 pour le troisième concert d'inauguration de l'orgue, est un bel exemple de construction intelligente et sensible: ouvrant sur trois pièces françaises écrites dans le lustre des années trente, et fermant sur deux pièces de Joseph Jongen (dont la seconde date précisément des mêmes années), il contient en son centre l'un des trois ultimes chefs d'œuvre de César Franck et une fort belle composition de Benoît Mernier, dont les racines sont précisément ce Choral II. Comme perdu au centre de ce programme «franco-belge», un unique choral de Bach, dont nous découvrons, étonnés, qu'il s'inscrit parfaitement comme une discret pont d'orgue évoquant la figure de celui sans qui l'orgue ne serait pas... Les premières secondes dévoilent la seule faiblesse du CD, qui est inévitable: l'immense nef de l'église abbatiale induit un bruit de fond qu'il n'était pas possible de gommer. On s'y fait mais reconnaissons une fois pour toutes qu'enregistrer cet instrument était et restera une gageure. Les premières lignes de Duruflé font entendre de beaux fonds, qui soutiennent un crescendo parfaitement géré dans les vagues duquel on apprécie la souplesse expressive des deux boîtes du même nom, particulièrement efficaces. C'est un beau grand orgue néo-classique que l'on entend! Conscient du danger de l'acoustique qui peut vite devenir tournoyante et rendre confus le discours, l'interprète prend un tempo large, qui confère au grand crescendo/decrescendo du début une réelle grandeur. Le solo de Cromorne qui suit manque sans doute un brin de poésie, mais c'est le fait de l'anche, un peu claironnante, et pas de Benoît Mernier, dont le jeu est souple, expressif et chantant. C'est un monde tout autre et pourtant contemporain (la Suite de Jehan Alain date de 1934, celle de Duruflé d'un an avant) qui nous fait ensuite entendre d'autres couleurs de l'orgue, dans une musique mystérieuse, intrigante, voire par moments presque grinçante comme peut l'être celle de Vierne. L'organiste de Notre-Dame dont justement l'Impromptu apporte une touche de légèreté avant d'aborder un des deux sommets du programme, le deuxième choral de Franck. Ici aussi, le tempo prend en compte les circonstances environnementales: sans effet virtuose gratuit, la pièce y gagne en lisibilité et en clarté. Ce deuxième choral par Benoît Mernier est fort beau, très éloquent et bien large. On sent que l'interprète a dû interroger l'œuvre dans ses tréfonds, pour s'en pénétrer, et nous offrir, se muant en compositeur dans un instant, ce que je n'hésite pas à nommer le second sommet de ce programme. Séparant ces deux chorals, un plus petit, mais non moins beau, de notre maître à tous, joué sur des fonds bien pleins. Après Cinq Inventions (qu'il a enregistrées lui-même à la cathédrale de Bruxelles, CD Cyprès 4612, coup de cœur du M'O 67/09 mis en ligne sous la référence CD_4179, et une Toccata (enregistrée par Cindy Castillo au Japon, sur un CD figurant dans la longue liste d'attente du M'O+: CD_3789), le jeune compositeur, avant d'attaquer la composition de son second opéra, nous offre une pièce de grande dimension qui risque bien de s'imposer comme une contribution importante au répertoire de l'orgue du XXIe siècle! Ce qui plaît, dans ce Choral, c'est que contrairement à une tendance fort pratiquée, surtout en France, la musique refuse le bruit à tout prix, la percussion obsédante, la priorité du rythme sur la mélodie. Bref, la préférence est donnée à une construction bien établie, au souci de conduire l'auditeur d'idée en idée, par un chemin fait de sonorités recherchées, et d'effets d'écriture souvent très frais et réussis. Une musique qu'on écoute avec plaisir, que l'on réécoute avec encore plus de satisfaction, et dans laquelle on finit par découvrir (bon sang ne peut mentir...) quelques réminiscences des Cinq Inventions. Retour au passé avec deux des pièces les plus célèbres de Joseph Jongen dont la Toccata suit d'un an les deux extraits entendus de Jehan Alain. Dans les passages les plus ardus de Jongen, comme ceux de Duruflé et... de Mernier, l'interprète domine parfaitement la matière et tout au long du récital, on apprécie dans maints petits détails, les attentions raffinées qu'il a mises dans l'élaboration des registrations et de leur réalisation. J'ajouterai, pour ne rien oublier, que j'ai également pris plaisir à lire le commentaire de Vincent Genvrin, qui s'est plu à trouver entre les œuvres des correspondances qu'il tisse adroitement avec quelques références de l'histoire de l'orgue et de la facture. Tout ceci étant dit, et bien pesé, au diable les mécontents: il serait injuste de ne pas décerner à ce bel enregistrement, et... de tout cœur... un très large coup de chapeau! | |
Date du commentaire | 06/05/2010 | |
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