Détail d'un disque de la discothèque du M'O+
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CD_2205 () |
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Titre du CD | Pierre Bartholomée. Soli | |
Interprète(s) | Jean-Philippe Merckaert (BE) | |
Éditeur | Aparté | |
Numéro d'édition | 014 | |
Site de l'éditeur | http://www.littletribeca.com | |
Format audio | [DDD] | |
Date d'enregistrement | sd | |
Minutage total | 70:06 dont 39:19 d'orgue | |
Date de réception au M'O | 16/04/2011 | |
Livret | 28 pages (F, GB); pas de photo de l'instrument, pas de composition, pas de registrations | |
Orgue(s) et/ou instrument(s) | Maredsous, BE, église abbatiale | |
Compositeur(s) | Pierre Bartholomée | |
Descriptif orgue(s) | Maredsous, BE, Église abbatiale Westenfelder (LU) 2009/. III/45 + 5 extensions | |
Accord orgue(s) | 555 dans l'échelle de La Rasette | |
Programme | Pierre Bartholomée 1. Oraisons, pour violoncelle 2-3. Deux études pour harpe 4. Face à face, pour alto 5-10. Livre d'orgue (2008) | |
Commentaire | On regrette souvent que les grands compositeurs, à l'exception notoire de Brahms, Liszt, Schumann et quelques autres, n'aient que rarement écrit pour l'orgue, laissant le champ libre aux organistes, qui sont parfois eux aussi compositeurs, à commencer par le plus grand, évidemment, sans oublier César Franck et Joseph Jongen pour les Belges. Même s'il avait déjà composé Récit, créé par Xavier Darasse en 1970 au festival de Royan, Pierre Bartholomée, auteur, entre autres de deux opéras joués pour la première fois à la Monnaie en 2003 et 2008, se situe évidemment dans la catégorie des compositeurs ayant peu de rapports avec notre instrument. Avec ce Livre d'orgue, il se classe d'emblée parmi ceux qui peuvent afficher à leur catalogue une composition majeure pour l'instrument. Dédiée à Bernard Foccroulle, cette suite de six pièces a été créée et enregistrée par Jean-Philippe Merckaert, au terme d'un long travail effectué partiellement en dialogue avec le compositeur. Lisez (P_0118) le commentaire de cette partition, éditée par la petite maison française Quintadicesima. L'œuvre est très exigeante techniquement, et l'on peut qualifier la prestation de Jean-Philippe Merckaert, comme le fit Messiaen, parlant de l'un de ses interprètes, de «héroïque». Mettre en place une telle partition, travailler 40 minutes de musique que, de toute évidence, l'on ne jouera pas tous les ans, est une entreprise téméraire et généreuse. On sait que, après le présent enregistrement, il n'a eu jusqu'ici la possibilité de la rejouer qu'une fois en concert, au prix, on l'imagine, d'un énorme travail de «re-registration». Les occasions de jouer ce Livre d'orgue se trouvent en outre limitées par la nécessité de disposer d'un assez grand orgue, si possible avec séquenceur, et en tout cas avec des claviers de 61 notes. Le problème des registrations est capital, surtout dans une composition qui ne se rattache pas à une tradition précise et à ses usages, plus ou moins codifiés et connus par les interprètes. Prudent, et sachant bien que chaque instrument est différent des autres, et induit donc des solutions distinctes, le compositeur s'abstient de contraindre l'interprète... à ne pas suivre ses prescriptions. Tout au plus note-t-on un assez grand nombre d'indications d'intensités sonores, jamais de variations dynamiques progressives ou de données concernant le timbre. Dans les brèves indications de la préface, chaque mouvement est gratifié d'une expression qui sera, selon le bon vouloir du lecteur, éclairante ou tellement générale qu'elle peut être considérée peu utile: «contrastes accusés», «voix clairement différenciées», «jeux aux timbres riches», «jeux de flûtes» (l'indication la plus précise...), «sons bien équilibrés». Toutes ces données visent à «garantir la perception du jeu rapide et staccato», «préserver la clarté», «garantir l'équilibre polyphonique». La collaboration entre l'interprète et le compositeur a débouché sur des choix de registrations visant plus, me semble-t-il, à des équilibres de niveaux qu'à des détails de timbres, sauf dans Visages, plus riche en couleurs. La partition se caractérise (presque de bout en bout; à l'exception notoire de Météores) par une écriture très fragmentée. Ainsi, dans la première pièce, Déserts, longue de 81 mesures (dont on pourrait décompter la section centrale, un trio de 12 mesures baptisé Fugato), l'on compte pas moins de six pauses générales de deux ou trois temps et 44 mesures se terminant par un silence d'une noire dans toutes les voix. L'auditeur, ayant ainsi entendu une trentaine d'exclamations dans toutes sortes de nuances, s'attend à un développement, qui prend la forme d'un court trio registré «à la française», sur le Cromorne et le Cornet (hélas, ce dernier part trop dans le grave, et ne s'entend réellement que dans les notes aigues...). Quelques descentes d'accords et de clusters et un grand decrescendo plus tard, reviennent les exclamations qui nous ramènent au point de départ. Météores, n'est pas sans évoquer, mais heureusement pour l'organiste, plus brièvement, Les yeux dans les roues, ce périlleux et presque insurmontable défi d'un autre Livre d'orgue. Ce bref déferlement est suivi de l'une des deux pièces plus méditatives de l'ensemble: Lunes. Le retour de l'écriture fragmentée m'empêche cependant de parler ici de lyrisme. Carrousel «ouvre la deuxième partie du cycle. Rythmique, caricaturale, elle évoque les instruments de foire (orgues dits «de barbarie»)». J'avoue avoir été plus frappé par le morcèlement de la musique que par une éventuelle image sonore d'orgue de foire qui aurait sans doute été plus perceptible dans une registration plus légère. Un effet très réussi marque le milieu de la pièce, avec son babil de doubles croches continues sur une pédale de Mi bémol (mesures 74 à 89). Le cinquième mouvement, Visages est plus planant, sans toutefois que l'oreille puisse y trouver une mélodie mémorisable on chantable. La partie centrale est une séduisante et lointaine irisation de triples croches, faisant partie des jolis moments de l'ensemble. Le dernier mouvement, Poussières d'abîme est fort réussi, avec son pointillisme de figures vives et colorées, utilisant heureusement des petites mutations avec tierce, plutôt que les hautbois et trompettes proposés dans la préface, sous lesquelles vient plus tard s'inscrire un cantus planus à la pédale. Un fort bel effet, malheureusement perturbé (mesure 81) par l'entrée en jeu assez grossière de la Bombarde. Comme si l'on avait eu peur d'un excès de poésie! De même, après un retour au calme bienvenu, fallait-il vraiment conclure par une coda de huit mesures sur le tutti? Que dire, à l'issue de cette «visite guidée» du Livre d'orgue de Pierre Barthlomée? Si, comme c'est bien souvent le cas dans la musique contemporaine, le premier contact n'est pas immédiatement séduisant, l'audition répétée arrondit les angles et permet de déceler, d'écoute en écoute, des passages plaisants qui, comme les pierres sur le fond de la rivière, nous permettent d'atteindre l'autre rive. Après une demi-douzaine de reprises (vive le CD!), la familiarité naissante de l'auditeur lui fait apprécier mieux les formes qui se dégagent de ce pointillisme sonore. Je n'en suis pas encore, à quelques passages près, à y lire des phrases entières, mais saisis déjà de nombreuses propositions... tout en restant surpris par l'étrange paradoxe bartholoméen: une des caractéristiques les plus frappantes de l'orgue est sans aucun doute son inépuisable souffle, une autre est la richesse de sa palette sonore. Cette dernière est effleurée, la première, quasiment ignorée. On observe ces dernières années dans le domaine de la musique pour orgue deux grandes tendances: certains compositeurs poursuivent l'utilisation de l'orgue symphonique, et écrivent des pièces ambitieuses, d'une technicité redoutable, et faisant appel à un grand instrument, ce qui permet des déferlements exprimant toutes les tensions de notre temps. Il s'agit de musiciens pratiquant un idiome plus ou moins contemporain comme Thierry Escaich ou Naji Hakim. D'autres réduisent leurs ambitions pour écrire des pièces relativement courtes, d'une écriture plus dépouillée, souvent pour de petits instruments, ou alors quelques jeux d'un grand orgue: on pense ici à Jean-Pierre Leguay, ou chez nous à Benoît Mernier et Bernard Foccroulle. Entre l'hédonisme des uns et les effets des autres, Pierre Bartholomée a cherché la voie du milieu, celle où, dit-on, se trouve la virtu. Ce compte rendu serait incomplet si l'on ne mentionnait les trois autres compositions qui contribuent à donner son titre à ce CD, mais dont nous ne parlerons pas, pour cause d'incompétence: Ophélie Gaillard au violoncelle, Francette Bartholomée à la harpe et Pascal Gillis à l'alto rejoignent Jean-Philippe Merckaert, pour nous offrir ce portrait d'un des premiers compositeurs de notre pays, dont on ne soulignera jamais assez le rôle capital qu'il joue, depuis un demi-siècle, dans la croisade pour la musique contemporaine. | |
Date du commentaire | 28/02/2012 | |
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