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Titre du CD Schumann and Brahms Organ Works
Interprète(s) Megumi Tokuoka (JP)
Éditeur 4Fuss
Numéro d'édition 01
Site de l'éditeur deest
Format audio [DDD]
Date d'enregistrement 26/08/2009
Minutage total 72:03
Date de réception au M'O 20/02/2012
Livret 16 pages + 4 pages de Digipack (JP, F, GB), composition et registrations
Orgue(s) et/ou instrument(s) Stavelot, BE, Saint-Sébastien
Compositeur(s) Robert Schumann, Johannes Brahms
Descriptif orgue(s)Stavelot, BE, Saint-Sébastien
Korfmacher (DE) 1841/Thomas (BE) 1999. II/26
Accord orgue(s)555 dans l'échelle de La Rasette razette
ProgrammeRobert Schumann
1-6. Sechs Fugen über den Namen BACH op. 60

Johannes Brahms
Elf Choralvorspiele op. 122
7. Mein Jesu, der du mich
8. Schmücke dich, o liebe Seele
9. Herzliebster Jesu
10. O wie selig seid ihr doch, ihr Frommen
11. O Gott, du frommer Gott
12. O Welt, ich muß dich lassen (I)
13. Herzlich tut mich erfreuen
14. Es ist ein Ros' entsprungen
15. Herzlich tut mich verlangen (I)
16. Herzlich tut mich verlangen (II)
17. O Welt, ich muß dich lassen (II)

CommentaireLes six fugues sur BACH de Schumann n'étaient pas vraiment la tasse de thé du rédacteur du M'O+... jusqu'à l'audition de cet enregistrement réalisé par une organiste japonaise sur un orgue de facture allemande situé en Belgique!
Le grand crescendo de la première fugue est véritablement magistral. De l'ample énoncé du premier thème sur le mélange velouté de trois jeux de huit pieds, jusqu'à la péroraison sur le plein-jeu (sans la moindre anche, sauf la Bombarde de pédale), l'organiste affiche d'entrée de jeu toutes ses qualités de musicienne. Le grand crescendo/accelerando final est particulièrement impressionnant. Si vous cherchez la traduction de Lebhaft, l'indication figurant en tête de la deuxième fugue, écoutez-la: élan sans précipitation, vivacité, dynamisme, énergie, virtuosité sans rien de gratuit, fougue sans virulence. Après la troisième fugue, bien calme, à la suite de ces différents déferlements, faisons une petite pause pour parler du programme...
On ne pouvait guère choisir mieux pour révéler les qualités sonores de l'orgue de Stavelot en un récital d'une bonne heure que ces 17 pièces, deux des sommets de la musique allemande du XIXe siècle. Les fugues de Schumann (1845) sont quasi-exactement contemporaines de l'instrument (1841). Quant aux chorals de Brahms, un peu plus tardifs (1896), ils trouvent ici le raffinement des timbres, la douceur des sonorités, et le «chromatisme» des registres de huit pieds essentiels à leur expression. On aurait peut-être pu (j'aurais préféré...) ne pas enchaîner ces six fugues, les diviser en deux après l'apaisement de la troisième, et en encadrer les onze chorals, gommant ainsi le relatif sentiment de répétition qu'impose, malgré la variété des écritures, la présence obsédante du motif BACH.
Nous parlions de l'orgue: cet instrument de Korfmacher, facteur d'orgues établi à Linnich, non loin d'Aix-la-Chapelle, fut construit en l'année du placement du plus célèbre mais guère meilleur orgue de Cavaillé-Coll à Saint-Denis, sous la direction du maître d'atelier Joseph Merklin, qui faisait ainsi son entrée sur la scène de l'orgue en Belgique, où il allait bientôt jouer le rôle capital que l'on sait. C'est sur un projet du signataire de ces lignes que la manufacture Thomas de Ster-Francorchamps redonna vie à cet instrument en 1999, grâce à une restauration menée de main de maître. Dans une fort belle acoustique, cet orgue pas vraiment grand (26 jeux) est brillant et poétique, raffiné et coloré. Après les orgues Dreymann de Bruxelles (dont celui des Riches Claires périt hélas dans l'incendie du 15 juin 1989), voici une deuxième raison pour tous les organistes allemands de venir chez nous admirer un unique témoignage de la facture de leur pays au XIXe siècle! L'instrument n'est pas tout à fait inédit en CD: il figurait sur le triple CD publié en 2000 sous l'étiquette Blawète, ce qui nous donne l'occasion de mettre en ligne la présentation de cette publication (CD_2202), dont on attend toujours la suite dans les autres provinces de la Communauté française...
Mais revenons aux fugues de Schumann: la quatrième, avec ses sujets rétrogrades est traitée en crescendo/decrescendo, le scherzo suivant est pris sans excès ce qui lui confère une grande lisibilité; enfin, soulignée par un savant crescendo de registrations, la puissance de la dernière fugue se déploie avec aisance et conviction.
Le testament musical de Brahms est présenté dans l'ordre du manuscrit autographe, qui, pour les sept premiers chorals, diffère de celui de l'édition originale, généralement adopté, ce qui, il est vrai, donne sans doute une meilleure succession des tonalités. On est un peu surpris, dans le premier choral, d'entendre un jeu plus mesuré que ce à quoi l'organiste nous avait habitués dans Schumann. Impression confirmée dans Schmücke dich, dont les impulsions expressives sont un peu contenues. L'Adagio de Herzliebster Jesu, joué véritablement à la croche va dans le même sens, tout comme O Gott, du frommer Gott que Brahms a bien écrit en C barré. Après un Herzlich tut mich erfreuen bien chanté, revient ce jeu un peu lent, très réservé, qui ne cherche pas à donner à Es ist ein Ros' entsprungen toute la grâce, qu'on pourrait y lire, expression d'une sorte d'insouciance face à la mort, reflet de la légèreté que revêt celle-ci pour le croyant. Megumi Tokuoka a-t-elle voulu exprimer ici une forme de douleur, voire d'anxiété face à la mort, plutôt que le confiant abandon d'un compositeur touchant au terme de son existence avec le détachement que procure la foi? Dans le dernier choral, ce si beau O Welt ich muß dich lassen, l'élégance de la musique de Brahms trouve enfin sous ses doigts, sans excès d'agogiques cependant, l'ineffable grâce qui parcourt ces onze chefs d'œuvre...
La présentation, dans des tons pastels, est bien complète et l'on apprécie particulièrement la présence des registrations, souvent évitées dans des partitions de musique «non-ancienne». L'auditeur attentif pourra y lire avec quel soin les changements de registrations ont été étudiés pour créer de subtiles et efficaces nuances dans les fugues de Schumann. La boutique du M'O+ est fermée, car trop peu de lecteurs en faisaient usage. Mais dans le cas de ce CD d'accès peu facile, si quelques abonnés du M'O en manifestent le souhait, une commande groupée pourrait être envisagée par le biais d'un message à la rédaction.

Date du commentaire25/02/2012
  
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