Détail d'une partition de la partithèque du M'O+

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Titre The Collected Works, Volume 16: Keyboard Works. Part 2: Chorales
Section A: Music
Section B: Commentary
Compositeur Buxtehude, Dieterich
Opus
Année de composition
Éditeur(s) scientifique(s) Michael Belotti
Éditeur Broude Trust, The
Numéro d'édition 0+8540-751
Année de l'édition 2010
ISMN 0-8540-7516-0
Site de l'éditeur http://www.broude.us/
Nombre de pages A: xxxi + 255 (242); B: xi + 209
Date de réception au M'O 22/03/2011
CommentaireLa parution de ce volume s'est fait attendre à peu près autant que celle du premier, consacré aux œuvres dites «libres» (Toccatas, préludes et fugues et chaconnes) pedaliter qui parut en 1998, comme volume 16 des Collected Works de Dieterich Buxtehude, une série dont Christoph Wolff est General Editor. Pour vous documenter sur le sujet, il vous est recommandé de relire les commentaires parus dans Le Magazine de l'Orgue imprimé, au sujet des éditions Buxtehude et Breitkopf de la musique d'orgue de Buxtehude: P_0090 à P_0099. Vous y verrez qu'en 1994 déjà, on parlait de l'édition Broude, annoncée avec tambours et trompettes, mais qui tardait à arriver. Si, en 1998, ce volume double ne fut pas présenté dans le M'O, c'est que son éditeur jugea alors que le journal était trop petit pour mériter un aussi gros investissement (le double volume est annoncé sur le site de l'éditeur à 215 US $; au premier août 2011, il n'y est pas encore question de ce volume 16, dont on peut imaginer qu'il ne sera pas moins cher...). C'est grâce à l'intervention de Kerala Snyder, auteur de la «Bible Buxtehude» (B_8262 et B_0072) que le M'O+ reçut un des tout premiers exemplaires des deux tomes du volume 16, dont la sortie de presse était annoncée... pour 2001.

Comme pour le volume 15, celui-ci, réalisé également par Michael Belotti, se présente en deux tomes bien épais, sur papier de très belle qualité, dans une mise en page (aussi bien du texte musical que des abondants commentaires) excellente. La reliure toilée s'ouvre bien sur votre table de travail. Mais malgré de violentes et répétées «cassures» du dos, je n'ai pas encore pu jouer une pièce à l'orgue sans maintenir les deux pages ouvertes par des poids en plomb sur le pupitre. De plus, le poids du volume a tendance à le faire tomber sur les claviers si l'on n'y prend garde. S'agit-il d'une édition destinée aux musicologues, et les organistes doivent-ils se rabattre sur des photocopies ou, pire encore pour l'éditeur américain, sur les éditions usuelles et concurrentes de Breitkopf et/ou Bärenreiter?

Le premier tome, appelé «Section A», comprend le texte musical. Après la table des matières générale de l'ouvrage (reprise en tête du second tome) viennent quatre sous-titres de deux à quatre pages (l'ensemble de la publication est exclusivement en anglais): dans son introduction, Christoph Wolff précise le répertoire présenté ici, la fonction des chorals de Buxtehude dans la vie musicale lübeckoise, et traite enfin de la chronologie, très hypothétique, de la transmission et du texte musical des chorals (qui seront détaillés dans la description des sources). Ensuite, Kerala Snyder détaille la composition des orgues des trois Sainte-Marie où Buxtehude travailla: Helsingborg, Helsingør et Lübeck, ainsi que le Totentanz-Orgel. Il est amusant de comparer ce chapitre avec les mêmes pages du volume 15, dont le texte doit maintenant passer aux oubliettes. La politique éditorielle est ensuite précisée en trois pages. La lecture de ces pages est essentielle pour bien lire ensuite la partition. On aurait pu en faciliter la lecture, et surtout la consultation en cours de travail, en mettant en évidence les divers sujets traités, à l'instar de ce qui est fait pour les abréviations des sources, imprimées en caractère gras: j'ai dans mon exemplaire entouré au crayon les mots clefs: Clefs, Key signatures, Time signatures, Note values, Barring, Beaming, Dots, Number of staves, Pedal indications, Stemming, Rests, accidentals, Ties, Ornaments and Fermatas. Dernier outil indispensable avant de se lancer dans la découverte de la musique: la liste des 24 sigles représentant les sources utilisées, dont six sont entre crochets (sources aujourd'hui disparues).

L'appareil critique, qui forme le second tome, ouvre sur une étude de la transmission des chorals pour orgue de Buxtehude. L'usage de faire référence aux différents manuscrits en imprimant leur signe en caractères gras facilite grandement la lecture et les références. Il en ressort que près de la moitié des chorals présentés ici nous sont transmis dans une seule source, ce qui facilite grandement le travail de l'éditeur (faisons référence aux chorals par leur numéro d'ordre dans la BuxWV de Karstädt; les sources entre crochets sont aujourd'hui perdues):

Source unique
Walther Ms K/1: 188, 210 (+ copie partielle par le jeune Johann Sebastian Bach dans la Weimarer Orgeltabulatur, et édition par Spitta)
Walther Ms Z/2: 223
Walther Ms Z/3: 198, 199, 200, 208, 209, 224
Walther Ms F: 179, 180, 184
Walther Ms G: 193, 215
Agricola Ms (Bruxelles): 203
[Plauen Organ Bk]: 212

Source unique perdue
[Walther Ms G]: 194, 195, 196 (les deux premiers accessibles par l'édition Spitta)

Source substantive unique
Dröbs Ms/2: 204, 205

Les 26 numéros du catalogue BuxWV qui restent (177, 178, 181, 182, 183, 185, 186, 187, 189, 190, 191, 192, 197, 201, 202, 206, 207, 211, 213, 214, 217, 218, 219, 220, 221, 222) se retrouvent dans plusieurs sources: pour chacune, l'éditeur décrit les divers documents, argumente la hiérarchie qu'il établit, choisit la source principale, qu'il transcrit et collationne les sources secondaires dans l'appareil critique détaillé de chaque pièce.
Les 48 chorals de Buxtehude ne posent quasiment aucun réel problème d'authenticité bien que, comme pour l'ensemble de son œuvre pour claviers, une seule source imprimée (le célèbre Klag-Lied de 1674, composé à l'occasion de la mort du père du compositeur) et aucune source autographe ne nous soient parvenues, de sorte qu'aucune composition pour orgue du maître danois ne nous est transmise grâce à une source que l'on puisse directement lier au compositeur lui-même. Il est intéressant d'observer que la musique de cet organiste du nord nous est essentiellement transmise par des copies du centre de l'Allemagne, dont une petite moitié (9 manuscrits sur 23) proviennent de Johan Gottfried Walther, soit comme copiste, soit comme propriétaire (Walther, dans une lettre de 1729, déclarait posséder plus de 200 pièces de Bach et Buxtehude). Ce sont 36 chorals de ce dernier que nous lui devons! Le rôle de Bach, quoi que moins capital, n'est pas négligeable dans la transmission des chorals de Buxtehude: trois sources proviennent de son cercle, et quatre autres sont associées à un de ses derniers élèves à Leipzig, Johann Christian Kittel>. Une grande place est réservée au Plauen Organ Book, aujourd'hui perdu, mais dont on possède heureusement des reproductions photographiques: il contient sept chorals de Buxtehude parmi 93 compositions de nombreux organistes allemands, dont les concordances sont données avec quatre des autres sources utilisées ici. Les pages 17 à 32 de ce second volumes contiennent la description technique détaillée de chacune des 24 sources consultées. On peut s'étonner, dans ce travail qui est par ailleurs complet jusque dans les moindres détails, pour la description et l'inventaire complet des trois manuscrits de la collection de Walther ayant appartenu à Johann Ludwig Krebs, d'être renvoyé aux Kritische Berichte de la Neue Bach Ausgabe.
Après le mode d'emploi (principes de repérage des notes mentionnées) vient le commentaire critique proprement dit (pp. 37-110) qui, œuvre par œuvre, donne la ou les sources, décrit l'écriture et la pagination (qui n'est pas reprise dans la transcription). Après un commentaire général sur la pièce et sa transcription, vient la liste des modifications apportées par l'éditeur dans son texte musical et, le cas échéant, les variantes dans les sources secondaires. Le chapitre suivant, pp. 113-138, donne et commente les mélodies utilisées dans les chorals de Buxtehude. Un premier appendice donne le texte du BuxWV 216, choral qui ne nous est parvenu que fragmentairement. Deuxième supplément: un choral, BuxWV Anh. 11, d'attribution douteuse, dans deux versions différentes. Troisième appendice: la transcription de trois chorals dans leur disposition originale, pour ceux qui ne se satisferaient pas de la transcription «modernisée» de Michael Belotti. Vient ensuite le Klag-Lied, également dans une transcription littérale suivant l'original, et, dernier appendice, une version transposée d'un des chorals, telle qu'elle nous est donnée par une copie de Walther.
L'ouvrage se termine par cinq pages de bibliographie, dans laquelle on peut s'étonner de ne pas voir figurer, à côté de celle de Klaus Beckmann pour Breitkopf, l'édition de Christoph Albrecht pour Bärenreiter, dont les volumes 4 et 5, consacrés aux chorals, datent de 1997 et 1998, bien avant l'achèvement du présent volume. Il faut sans doute y voir la manifestation, regrettable, d'une dispute entre les deux musicologues sur un détail concernant le manuscrit bruxellois d'Agricola...
Plusieurs documents illustrent les deux tomes: une vue de Lübeck et une photo de l'orgue de la chapelle de la Totentanz de Sainte-Marie de Lübeck, disparu en 1942, ainsi qu'une dizaine de fac-similés des différentes sources.

On connaît depuis le premier volume les options principales prises par Belotti: La musique est imprimée en format vertical, dans une gravure bien large, en veillant à limiter le plus possible les interventions d'éditeur. Celles qui se sont avérées inévitables sont imprimées en gris, ce qui est à la fois pratique et élégant. Mais dans ce cas, pourquoi ne pas utiliser le même grisé pour les indications éditorielles d'utilisation de la pédale: ped. en italiques? De même, les liaisons éditorielles en pointillés, sans doute le seul élément non élégant dans le texte, auraient-elles gagné, elles aussi, à être imprimées en demi-teinte?
Une autre décision de l'éditeur que l'on peut questionner est l'ordre adopté pour la publication: la division des chorals en trois catégories (Fantaisies, Variations, petits chorals) n'est-elle pas en somme assez arbitraire? Nous disposons aujourd'hui du catalogue BuxWV (dont il faut admettre que l'ordre alphabétique des titres est un autre arbitraire) qui, à défaut d'une chronologie, avait le mérite d'exister avant la présente édition.
Nous ne reviendrons pas sur la transcription de certaines œuvres sur des systèmes de deux portées et non trois, la partie de pédale étant signalée par l'indication, originale ou éditorielle Ped. Dans le cas des chorals, comme plusieurs sources sont écrites sur trois portées, disposition respectée dans la transcription, chacun pourra se faire sa religion en connaissance de cause. L'écriture sur trois portées offre l'avantage d'être plus usuelle, et l'inconvénient de prendre des positions que le lecteur aura tendance à ne pas mettre en cause. Un avantage de l'écriture sur seulement deux portées est la concision du texte, qui permet de supprimer bon nombre de tournes de pages. Par contre, quand la pédale joue le ténor et non la basse, j'avoue préférer l'écriture «traditionnelle». Ainsi, BuxWV 194, mesures 63, 69 et 73, malgré l'indication des hastes dirigées vers le bas, je doute qu'il soit possible de lire à vue ces passages sans erreur. Et la page qui suit, en l'absence d'un signe indiquant la fin de l'usage de la pédale, n'est pas sans poser plusieurs questions à l'interprète.
Un avantage unique de la présentation en deux tomes est la possibilité de consulter l'appareil critique en même temps que la partition, sans avoir à se casser le cou en tournant les pages sans arrêt du début à la fin du volume. Je ne comprends pas, dans ce contexte, pourquoi à plusieurs reprises, la belle mise en page est alourdie par des notes en bas de page, et leur appel dans le texte musical: tout cela pourrait figurer uniquement dans l'appareil critique (et d'ailleurs à plusieurs reprises, il y a redondance entre ces notes et l'appareil critique lui-même). Par contre, après avoir suggéré d'épurer encore le texte musical, j'aimerais suggérer d'indiquer l'existence de versions alternatives dans les appendices par une tout petite note aux BuxWV 188 et 210, comme c'est fait aux BuxWV 76 et 185 (sans mention de la p. 200...)
Je posais plus haut la question de savoir si ceci est une édition pour musicologues, ou pour organistes, un ouvrage de bibliothèque ou de pratique. L'attention apportée généralement aux tournes de pages semble indiquer que les éditeurs ont pensé aux interprètes autant qu'aux chercheurs. Il y aurait eu encore mieux à faire, par exemple, dans BuxWV 188, p. 8: faire passer la première mesure à la page 7; p. 9: faire passer les deux dernières mesures à la page 10.
Pour me faire une idée du travail de Michael Belotti, j'ai collationné deux de ces pièces avec l'édition de Beckmann. Autant dans le BuxWV 188 qui ouvre le volume que dans le Magnificat primi toni BuxWV 203 (parce qu'il nous est transmis par le Ms Agricola de la Bibliothèque du Conservatoire royal de Bruxelles...), je n'ai pu qu'apprécier la rigueur, la discrétion et la prudence de sioux de ce musicologue dont le respect et la modestie sont exemplaires. À plusieurs reprises, cependant, force est de reconnaître que les interventions de Beckmann sont loin d'être fautives. Et si l'on comprend Belotti, qui se refuse à intervenir dans le texte, on se prend à regretter qu'il n'ait pas inclus dans son appareil critique le relevé des «corrections» apportées par son collège. Pour ma part, je recommanderai dorénavant à mes étudiants ce qui deviendra ma propre pratique: utiliser le texte de Belotti, non sans avoir lu par le détail son appareil critique, et avoir collationné son texte musical avec ceux de Beckmann et Albrecht. À chacun de se faire sa vérité, au vu de ces trois textes dont celui de Belotti doit indiscutablement être pris comme «Principal Source».

Date du commentaire31/07/2011
  
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